Du messager au service public
La disparition de l’Empire romain laisse le monde occidental sans moyen de transport officiel. Malgré une tentative éphémère de Charlemagne de maintenir des liaisons avec l’Italie, l’Espagne et la Germanie, il faut attendre le XIIe siècle pour retrouver trace de messageries organisées.
Elles sont constituées essentiellement pour les besoins des grandes communautés.
Les ordres religieux, les universités, les marchands, développent pour leurs échanges des réseaux de messagers pour relier monastères et comptoirs, villes et diocèses. La rotula de Saint Vital, parchemin de 9,50 m annoté successivement par toutes les abbayes visitées par un messager est un exemple particulier des échanges entre monastères.
Ces messageries privées fonctionnent ainsi jusqu’au XVIe siècle, s’étoffant et étendant leurs prestations à mesure de la croissance des échanges, certaines s’ouvrant à d’autres corporations et en tirant quelques bénéfices.
Le souverain, pour les besoins de sa politique, emploie également des « chevaucheurs » appointés.
En fait, c’est Louis XI qui est considéré comme le créateur de la Poste aux chevaux en organisant, vers 1480, des relais distants de sept lieues. Ainsi, de Plessis-Lez-Tours, le roi peut envoyer et recevoir des messagers assurés de trouver sur les routes de Bourgogne, de Bretagne ou de Provence, les chevaux nécessaires à leur mission. La même époque voit la création d’organisations similaires en Espagne et en Angleterre.
En 1507, le roi Louis XII autorise les responsables des relais appelés maîtres de Poste à louer des montures aux particuliers ; en 1525, les « Messagers Royaux » (à ne pas confondre avec la « Poste Royale ») reçoivent le privilège du transport des pièces de procédures.
S’inspirant d’une expérience tentée un siècle plus tôt, Piarron de Chamousset, conseiller à la Chambre des comptes, propose, en 1758, de faire distribuer et recueillir la correspondance à Paris par neuf bureaux de quartiers reliés à un bureau central. Cent dix-sept facteurs sont ainsi recrutés pour assurer, plusieurs fois par jour, la distribution à domicile et la levée de boîtes aux lettres.
Cette initiative qui connaît le succès est bientôt imitée dans d’autres villes, tant en France qu’à l’étranger. En 1780, les Petites Postes sont rachetées par l’État et rattachées à la Grande Poste. En 1786 un arrêt du conseil étend le bénéfice de la Petite Poste aux villes qui en sont dépourvues.
Malgré ces progrès et un trafic qui, à la veille de la Révolution, atteint trente millions d’objets transportés , du fait de l’analphabétisation, la Poste reste encore réservée à une élite sociale et urbaine. Elle est l’objet de critiques dues à l’existence du « cabinet noir » par lequel l’État en faisant ouvrir clandestinement certaines lettres, essaie de s’informer de l’état de l’opinion et de connaître sur le plan international des informations qui complètent celles que lui fournissent ses ambassadeurs.
Les
cahiers de doléances présentés lors de la réunion des États généraux en 1789 se firont l’écho de la réprobation qu’engendrait cette méthode.
La poste au XIXe siècle
Dès 1815, d’importantes innovations permettent à la Poste de suivre le développement économique de la France dans la première moitié du XIXe siècle. Après une réforme de la comptabilité, 1817 voit la création du service des articles d’argent : le transport matériel des espèces est supprimé et remplacé par des mandats. Déjà utilisé pour les armées napoléoniennes en campagne, ce système sécurise la circulation des fonds et facilite la comptabilité : outre le transport des correspondances et accessoirement des personnes, la Poste assure maintenant un rôle d’intermédiaire financier.
Au vu de l’excédent budgétaire des années précédentes, une loi de janvier 1828 rend quotidienne la desserte de tous les bureaux existants. Ces correspondances sont alors frappées d’une empreinte portant les dates de départ et d’arrivée : après des essais divers commencés sous l’Empire, le « cachet de la Poste » peut désormais faire foi.
Enfin une mesure d’une toute autre importance est adoptée en juin 1829, la généralisation de la distribution à domicile sur tout le territoire. Jusqu’ici, seuls les habitants des villes desservis par un bureau de distribution en bénéficient (en 1825, sur 1975 bureaux, seuls 580 sont distributeurs).
« À partir du 1er avril 1830, l’administration des Postes fera transporter, distribuer à domicile et recueillir de deux jours l’un, dans les communes où il n’existe pas d’établissement de Poste, les correspondances administratives et particulières ainsi que les journaux… »
5 000 facteurs supplémentaires parcourant 20 km par jour sont nécessaires et une surtaxe d’un décime, indiquée par l’apposition d’une marque ovale sur le pli, est instaurée pour financer leur salaire.
Voici donc rompu, sur le plan postal, l’isolement où se trouvait la France rurale. Trois ans plus tard, la distribution devient quotidienne (loi du 21 août 1832). L’augmentation du trafic est à la hauteur de l’ambitieuse mesure : des 30 millions de lettres transportées en 1789, on passe à 103 millions en 1830.
Les 250 millions sont atteints en 1850. Parallèlement, le nombre des agents passe de 4 051 en 1829, à 9 030 en 1830 et à plus de 23 000 en 1856.
La Révolution de 1848 est à l’origine de l’arrivée d’Étienne Arago à la direction générale des Postes avec un problème à résoudre, celui du mode de calcul et de perception des taxes postales qui sont proportionnelles à la distance et perçues sur le destinataire.
Suivant un modèle que l’Angleterre a adopté en 1840, l’administration met donc sur pied une tarification uniforme sur tout le territoire, acquittée par l’expéditeur au moyen de timbres-poste. Les premiers « Cérès » sont mis en vente le 1er janvier 1849.
La poste au XXe siècle
La « Poste omnibus automobile rurale » ouvre son premier circuit en 1926 à Beaulieu-sur-Dordogne. Plus connu sous le nom de Poste automobile rurale (la PAR), ce service fait partie des mesures prises « contre l’isolement rural ». Des véhicules pouvant transporter, comme au temps des malles-poste, voyageurs et bagages en plus du courrier, desservent des villages dépourvus de bureaux de Poste. Les opérations postales courantes et la distribution y sont confiées à des « correspondants postaux ». Les circuits exploités par des entrepreneurs privés sont 391 en 1939.
Avant la première guerre mondiale, la poste ferroviaire française affiche un palmarès impressionnant : plus de 700 wagons-poste, 175 services d’ambulants répartis sur tout le territoire, plus de 100 000 km de lignes et près de 3 500 agents des postes. Toutes les gares sont désormais desservies soit par un wagon-poste, soit par un fourgon avec un local postal, soit même par un « courrier-convoyeur », agent chargé du courrier qu’il transporte dans le compartiment d’une voiture de voyageurs, réservé à la poste. Aux lendemains de la Grande Guerre, les choses changent avec l’arrivée de l’automobile et de l’aviation. Dès 1920, les services routiers commencent à remplacer les ambulants sur les petites destinations.
À partir des années 30, l’aviation postale, souvent plus rapides que le train, se met en place. Les catastrophes ferroviaires les catastrophes ferroviaires (Melun, 7 novembre 1913…) ont montrés la fragilité des wagons postaux ; aussi, à partir de 1924, la poste décide-t-elle la construction de wagons entièrement métalliques et le remplacement des essieux par des bogies. L’apogée des ambulants se situe à la veille de la deuxième guerre mondiale ; les services ambulants comprennent plus de 4 000 agents, 825 wagons-postes et 300 bureaux rattachés.
L’adoption officielle de l’abréviation PTT. C’est par une loi de juillet 1925 que l’administration des Postes et Télégraphes devient officiellement l’administration des Postes, Télégraphes et Téléphones. Mais cette appellation est déjà employée couramment par le public (et dans le bulletin officiel depuis 1917).
Le sigle était par ailleurs utilisé depuis le début du siècle par des associations de personnel par exemple « I’Oeuvre de Protection des Orphelins du Personnel des PTT » créée en 1902.
La fin du XXe siècle
La fin de la guerre 1939-1945 voit la Poste contrainte de faire face non seulement à la reconstruction des bâtiments et d’équipements détruits, mais à une très forte augmentation de trafic.
Le bilan des dommages est lourd : 800 bâtiments importants et 360 wagons-poste détruits, 600 000 sacs postaux perdus…
Pour faire face à l’augmentation du trafic, la distribution rurale est repensée, de nouvelles techniques de distribution sont inaugurées.
Comme La Poste reste une entreprise de main-d’œuvre, il est nécessaire de recourir à des moyens techniques pour augmenter la productivité, améliorer les conditions de travail et satisfaire les nouveaux besoins des usagers.
Dès 1953, la motorisation de la distribution accroît le champ d’action des facteurs ruraux et permet des regroupements dans les « Centres de Distribution Motorisées » (CDM). En 1957, les facteurs deviennent des « préposés ».
1962 voit l’adoption de la couleur jaune et l’apparition du nouveau logo du ministère des Postes et Télécommunications : l’oiseau-flèche qui « souligne l’unité de l’administration, symbolise le rôle de messager qui lui incombe… ». Le logo change à la fin des années 70, l’oiseau bleu perdant sa queue, puis à nouveau à la fin des années 80 en changeant de direction.
Après une dizaine d’années de recherches et d’expérimentations, le tri automatique des correspondances entre dans une phase opérationnelle : le premier centre de tri automatique avec lecteur optique des adresses est inauguré en janvier 1973 à Orléans La Source par le ministre Hubert Germain. Le traitement des lettres est facilité par l’adoption en 1972 du code postal à cinq chiffres tandis que la création, en 1969, de la catégorie des « plis non urgents » permet théoriquement d’étaler les opérations de tri sur 24 heures.
L’informatisation se généralise en 1970 dans les Centres de chèques postaux qui gèrent 7,5 millions de comptes, puis à la Caisse nationale d’épargne avec ses 12,8 millions de livrets ainsi que pour tous les systèmes comptables. L’ensemble du réseau financier réunissant tous les bureaux de Poste, passe en gestion informatique à la fin des années 80.
Sources